Mon mari Charles Bernard Gliksohn porte les prénoms de ses deux oncles maternels morts à Auschwitz. De Bernard Schönberg nous connaissions le parcours. Grand rabbin de Lyon, il avait été arrêté à Ambérieu-en-Bugey alors qu’il rendait visite à sa mère. Détenu au fort de Montluc puis à Drancy, il avait été déporté à Auschwitz dans le convoi 62 le 20 novembre 1943 et y était mort d’épuisement le 6 février 1944. De Charles Schönberg nous ne savions rien, juste qu’il était mort à Auschwitz. La seule chose qui avait été transmise par la mère de mon mari est « qu’il n’avait pas eu de chance ». En 2020, aidé de mon fils Antoine, j’ai entrepris de rechercher le maximum d’information sur Charles pour retracer son parcours.
La première étape de notre recherche a été de retrouver son prénom car Charles était le prénom utilisé par la famille mais ce n’était pas son prénom d’état civil. Les recherches dans différents documents nous ont permis de savoir qu’il s’appelait officiellement Osias Schönberg.
Après s’être réfugié à Nîmes chez son frère Edmond, Osias qui n’avait pas la nationalité française a été arrêté et détenu au camp de Rivesaltes. Il s’en est évadé et s’est ensuite réfugié dans la zone occupée par les italiens. Assigné à résidence à Saint-Martin-Vésubie, il a fui vers l’Italie où il s’est caché. Il a été arrêté à San Michele le 25 mai 1944, détenu à la prison de Cuneo puis transféré à Turin d’où il a été déporté le 1 er août 1944 avant d’être assassiné à Auschwitz le 8 août 1944. Une partie de ces informations a été trouvée dans le livre écrit par Alberto Cavaglion, « Les juifs de Saint-Martin-Vésubie ».
En 2022 nous avons participé à la Marche de la Mémoire et à cette occasion mon mari a pu témoigner de la mémoire retrouvée de son oncle.
Nous pensions avoir trouvé tout ce qu’il était possible de trouver mais cet anniversaire des 80 ans nous a apporté ce que nous n’osions plus espérer : une photographie sur laquelle il serait identifié. Aucune photo de lui ne nous a été transmise familialement.
Le 20 août, la publication du témoignage de Linda Rosenblatt a tout changé. On y trouve une photo de groupe et l’une des personnes photographiées est Osias Schönberg. Vous imaginerez notre émotion en voyant son visage pour la première fois.
Linda Rosenblatt nous a indiqué que cette photo est tirée du livre de Danielle Baudot Laksine « Les grands visiteurs, La pierre des juifs tome 2 ». Dans ce livre que nous nous sommes procuré, nous avons trouvé une autre photographie sur laquelle il est identifié en compagnie de Manya Hartmayer, Alice Dobis et Eliane Ingigliardi à l’occasion du mariage de Sidi Templer et Alter Sharon. Nous avons aussi trouvé le passage suivant issu du témoignage de Manya Hartmayer : « Papa, échappé d’un autre camp de France mais refoulé à la frontière de la Suisse, avait gagné Nice grâce à son ami Schomberg ». Nous savons maintenant qu’Osias était un ami de la famille Hartmayer.
En recherchant dans les photos de familles, nous pensons avoir trouvé une photo d’Osias en compagnie de deux jeunes femmes. Le contexte nous laisse penser que cette photo a été prise à Saint-Martin-Vésubie.
Nous cherchons à identifier les deux jeunes femmes. Si quelqu’un les reconnaît, nous serons très reconnaissant de nous le faire savoir.
Petit à petit, Charles/Osias Schönberg sort des ténèbres où l’Allemagne nazi a voulu le plonger avec 6 millions d’autres êtres humains à qui on ne donnait pas le droit de vivre.
Nous tenons à remercier David et l’association AME43 pour cette magnifique initiative de publication de témoignages ainsi que Linda Rosenblatt pour son aide qui nous a orienté vers le livre de Danielle Baudot Laksine.
Béatrice Jouanne
Mon mari Charles Bernard Gliksohn est le fils de Ignace dit Robert Gliksohn et Hene dite Hélène Schönberg. Hene est la plus jeune sœur de Bernard et Charles Schönberg. Les familles Gliksohn et Schönberg sont originaires de Pologne et sont arrivées en France entre 1910 et 1914. Mon mari est né le 13 septembre 1951. Il avait un frère aîné, Jean-Michel, né le 10 août 1945. A sa naissance, sa mère espérait encore le retour de ses deux frères mais à la naissance de son deuxième fils elle a décidé de lui donner les prénoms de ses deux frères morts en déportation.
Je m’appelle Béatrice Jouanne, je suis née le 18 mai 1955 et je ne suis pas d’une famille juive, Mon mariage avec Charles Bernard (que j’appelle simplement Bernard) et la naissance de mes trois enfants m’a naturellement plongée dans l’histoire de sa famille. J’ai assez vite ressenti l’importance qu’il y avait à rechercher le maximum d’informations sur les familles Gliksohn et Schönberg. Dans un premier temps j’ai utilisé la mémoire des plus anciens mais c’est quand les registres d’état civil de France et surtout de Pologne sont devenus consultables en ligne que j’ai pu vraiment avancer dans ces recherches généalogiques. Il restait toutefois des inconnues et en particulier l’histoire et le destin de Charles Schönberg.
Il est important, et vous y contribuez, de mettre en lumière ces histoires qui montrent à la fois l’absurdité et l’horreur de ses persécutions, la force, la résistance et la résilience de ceux qui ont survécu et le courage et l’abnégation de ceux qui les ont aidés. Nous devons avoir cela en mémoire quand de nos jours de nombreuses personnes persécutées fuient leur pays au péril de leur vie à la recherche d’une vie meilleure pour eux et leur famille.