Il y a de nombreuses années, j’ai pleuré à chaudes larmes en regardant le film de Roberto Benigni, La vie est belle (1997), dans lequel un père fait tout ce qui est en son pouvoir pour protéger son jeune fils des horreurs de la guerre et de la vie dans un camp de concentration. Comment cacher ou déguiser de telles horreurs ?
Se cacher de la guerre est une chose que nous faisons tous. Pour oublier et aller de l’avant. Pourtant, chaque année, au début du mois de septembre, une foule se rassemble pour commémorer l’exode de la France vers l’Italie afin d’échapper aux forces allemandes. La foule est composée de quelques habitants, de survivants et de descendants, de membres de la communauté juive locale et d’autres personnes intéressées par la commémoration de l’exode.
Pour moi, ce mémorial est porteur de messages contradictoires. Commémorons-nous ceux qui sont morts et célébrons-nous ceux qui ont survécu ? Voulons-nous créer un message pour éviter que cela ne se reproduise ?
En septembre 2003, avec nos enfants de quatre ans et de sept ans, nous avons fait notre première ascension en famille au Col de Fenestre. Il ne s’agissait pas d’une journée de plaisir, mais d’une marche commémorative, sans possibilité de faire demi-tour et, nous l’espérions, avec une certaine compréhension de la raison pour laquelle nous faisions cette marche.
Nous avons discuté de la possibilité de se cacher – où pourrions-nous nous cacher – des rochers et des arbres. Que pourrions-nous manger… un problème bien plus important ! Et à quelle vitesse pourrions-nous aller si nous étions poursuivis ? Ce dernier point a soulevé de nombreuses questions. Pourquoi les gens ont-ils été chassés dans les montagnes ? Qui les poursuivait ? Et pourquoi les réfugiés tentaient-ils de gravir la montagne ? À notre marche suivante en 2005 les questions sont restées d’actualité. Mais cette fois-ci, les enfants m’ont demandé pourquoi les Italiens étaient différents.
Ce qui me ramène à la question du pourquoi ?
Qu’est-ce qui nous ramène chaque année à cette marche dans les montagnes ? Pour revivre le passé, pour parler à d’autres survivants, pour réunir des familles du monde entier, pour célébrer la vie.
Ces marches commémoratives ont leurs moments de grande tristesse, surtout au col où nous nous trouvons entre deux pays, entre le souvenir des morts et celui des survivants. Mais surtout, ils sont devenus des moments de grande complicité et de joie.
Dans l’horreur de la guerre, nous nous sommes fait de nouveaux amis venus d’Israël, d’Amérique, du Canada, d’Angleterre, d’Irlande du Nord, d’Allemagne, de France, d’Italie, des Pays-Bas, de Belgique… Nous avons marché, discuté et pris de longs repas conviviaux. Nous avons célébré des mariages et des naissances, discuté d’histoire, de livres, de films….
Tout comme le personnage de Benigni s’efforçait de voir la joie de vivre pour protéger son fils, nous créons de la joie pour vaincre l’horreur de la guerre.
Elizabeth Bernheim
« J’ai déménagé à St Martin Vésubie en 2002, quelques jours avant la marche, sans connaître les Marches ni savoir grand-chose à leur sujet. Ce n’est qu’en 2003 que nous avons fait la randonnée jusqu’au Col de Fenestre, sans connaître grand monde, avec deux enfants en bas âge, et sans savoir qu’il y avait une randonnée au Col de Cerise les années suivantes. D’année en année, nous nous sommes davantage impliqués et la Marche est devenue un moment fort de l’année.«